Indre-et-Loire : trois mois après sa naissance, un bébé né à la maison toujours pas inscrit à l’état civil

  • Une habitante de la commune de Langeais, près de Tours, a donné naissance à son fils en juillet dernier à son domicile, sans assistance médicale.
 
  • Refusant d’établir l’acte de naissance, la mairie a saisi le procureur.
 
  • La loi autorise pourtant la déclaration d’un enfant né dans ces conditions, sans exiger d’attestation d’un professionnel de santé.
 

Près de trois mois après être venu au monde, Timoté n’existe toujours pas aux yeux de l’État français. Le 2 juillet dernier, Aurore donnait naissance à son fils à son domicile de Langeais, une petite ville de quelque 5000 habitants près de Tours, en Indre-et-Loire. L’enfant est né d’un accouchement non assisté (ANA), en l’absence de tout personnel médical. Mais la mairie a refusé d’enregistrer le nourrisson du couple, qui avait seulement présenté une attestation d’accouchement rédigée par le père, présent lors de la naissance. « Mon choix ne les regarde pas », s’emporte la mère de famille auprès de TF1info. De son côté, le maire de la commune affirme avoir agi dans la légalité, ce que les textes de loi viennent contredire. 

« On nous passe au rouleau compresseur »

« Le 2 juillet, j’accouche à la maison, assistée par mon conjoint. Tout s’est bien déroulé, j’étais en confiance », rembobine Aurore, 36 ans. Un choix « préparé », appuyé par une « réflexion éclairée », assure-t-elle, qui visait à fuir des « violences obstétriques » rencontrées en maternité lorsqu’elle avait donné naissance à ses deux premiers enfants, aujourd’hui âgés de six et neuf ans. Projet de naissance non respecté, remarques agressives, manque d’écoute… le jeune femme ressort traumatisée et se dit victime de « maltraitance »

Aucune disposition légale n’interdit l’ANA. Mais dans les jours qui suivent la naissance, les parents se rendent en mairie à trois reprises avec l’attestation rédigée par le père pour faire enregistrer l’enfant, ce qui leur est à chaque fois refusé. L’officier de l’état civil exige un certificat médical, qui sera finalement produit par un médecin attestant que le nourrisson « semble en bonne santé », mais en vain. La municipalité saisit le greffier auprès du procureur de la République pour l’état civil. « Nous avons été reçus tout de suite dans l’agressivité, on nous a dit que nous étions irresponsables », s’irrite Aurore. 

Une enquête est menée par la Protection maternelle et infantile (PMI), mais « ne donne rien » selon la mère, qui raconte avoir craint que ses enfants lui soient retirés comme le furent temporairement ceux d’un couple de Vitré en juin dernier, dont la femme avait accouché dans des circonstances similaires. Trois mois plus tard, faute d’acte de naissance, il est toujours impossible pour le couple d’inclure Timoté dans leurs différentes assurances, de le déclarer auprès de la Caf et d’obtenir une solution de garde, alors même qu’Aurore doit retrouver son emploi dès le 16 novembre. « On prend des décisions, on les assume, et puis des bonnes gens bien pensants nous passent au rouleau compresseur, ce n’est plus possible », fustige-t-elle. 

 

Aucun certificat médical exigé par la loi au moment de la déclaration

« La règle veut que la reconnaissance de l’enfant soit faite soit par une sage-femme, soit par un médecin. Désormais, c’est au procureur de prendre une décision », répond Pierre-Alain Roiron, maire de Langeais, contacté par TF1info. L’édile affirme aussi que des employés municipaux ont été victimes d’« agressions verbales » de la part des parents, nécessitant selon lui le déplacement de la police municipale et de la gendarmerie. Déplorant une « affaire assez ubuesque », il assure que ses services s’en sont tenus à « la légalité » et que « personne n’a émis de jugement sur des choses que l’on n’a pas à juger »

Le maire ajoute que le certificat médical remis a été signé par un médecin n’ayant suivi la grossesse de la mère que jusqu’au cinquième mois, mais celle-ci précise toutefois avoir été accompagnée ensuite par une sage-femme puis une maternité.

Quoi qu’il en soit, au regard de l’article 56 du Code civil et de la jurisprudence, rien n’autorise l’officier d’état civil à exiger un certificat médical lors d’un accouchement réalisé à domicile, contrairement à ce qu’avance la mairie. Seule l’attestation du père, s’il est présent au moment de l’accouchement, suffit. « Les textes légaux ou réglementaires n’exigent pas la remise ou la présentation de pièces, de sorte que l’officier d’état civil ne devrait pas pouvoir refuser d’établir l’acte même lorsque le déclarant vient ‘les mains vides' », explique Me Alice Antoine, avocate parisienne spécialisée dans le droit de la famille. 

« La mairie aurait dû enregistrer l’enfant, puis signaler au procureur ses éventuelles suspicions, mais non pas chercher à se substituer à lui », poursuit la juriste, précisant toutefois que les cas d’ANA restent très rares. En 2016, seuls 0,6% des naissances avaient lieu hors d’une maternité, et 0,1% seulement sans assistance médicale, selon les dernières données mises en ligne par l’Insee

« Notre cas n’est pas isolé », estime toutefois Aurore. Une fois que la situation de Timoté sera régularisée, elle se dit décidée à porter plainte contre la mairie. « Nous voulons aller plus loin que notre petite histoire, pour que des débats s’ouvrent », lance-t-elle. « Il faut qu’il y ait une prise de conscience, que les femmes puissent jouir de leur corps comme elles le souhaitent. Je veux dire stop à la chasse aux sorcières. »

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