DÉCRYPTAGE : L’IMPACT DE LA CRISE SANITAIRE SUR LA PROCÉDURE D’ASSISTANCE ÉDUCATIVE.

Les portes sont closes depuis le 17 mars 2020.

Le confinement implique un rapprochement constant et contraint des membres du foyer et une distanciation avec les proches.
Le risque sanitaire, l’exposition en continu aux informations, les préoccupations économiques exacerbent les tensions et le stress.
L’isolement des femmes et des hommes ayant un partenaire violent s’accentue, la situation des mineurs en danger et/ou victimes de violences inquiètent plus que jamais les professionnels.

1) Que deviennent les mesures d’assistance éducative qui arrivent à échéance pendant le confinement ?

Si le juge des enfants estime à la lecture du rapport éducatif qui lui est remis, que la situation de danger n’existe plus, il peut mettre un terme à la mesure d’assistance éducative sans même entendre les parties (Article 13 alinéa 1).

A défaut, les mesures d’assistance éducative sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la fin de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (Article 13 alinéa 3).

S’agissant des mesures prévues aux articles 375-2 du Code civil (maintien du mineur dans son milieu habituel avec désignation d’une personne qualifiée ou d’un service assurant un suivi), 375-3 du même code (si l’enfant est confié à un parent, un tiers de confiance ou à un service) et 375-9 (mineur confié à un établissement recevant des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux), elles peuvent être renouvelées sur proposition du service et par décision motivée, sans audition des parties.

Le cas échéant, la durée de la mesure ne peut excéder 9 mois (pour l’article 375-3 du code civil) ou 1 an (s’agissant des articles 375-2 et 375-9).

Ce renouvellement est conditionné à l’accord écrit d’au moins un des parents et à l’absence d’opposition écrite de l’autre parent (Article 14).

2) Et l’interdiction de sortie du territoire ?

Le Juge des enfants peut renouveler cette mesure dans les mêmes conditions et pour la même durée que la mesure éducative qui l’accompagne (Article 15 alinéa 1).

Lorsque l’interdiction de sortie a été prononcée en même temps qu’une des mesures d’investigation de l’article 1183 du code de procédure civile et qu’elle expire au cours de la période actuelle, le juge peut en reporter l’échéance pour une durée qui ne peut excéder deux mois après la fin de cette période (Article 15 alinéa 2).

3. Le Juge des enfants peut-il être saisi actuellement, nonobstant la période de crise et la fermeture des juridictions ?

Le Juge des enfants peut toujours être saisi sur le fondement de l’article 375 du Code civil, c’est-à-dire si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur sont en danger, ou encore si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises.

En cette hypothèse et à titre dérogatoire, le Juge des Enfants statue sans audience et par décision motivée.

Il peut alors :

 dire qu’il n’y a pas lieu à assistance éducative
– ordonner une mesure judiciaire d’investigation éducative ou toute autre mesure d’information prévue à l’article 1183 du code de procédure civile
;

 ordonner la mesure prévue par l’article 375-2 du code civil pour une durée qui ne peut excéder six mois.

Il en informe les parents, le tuteur, la personne ou le service à qui l’enfant a été confié, en même temps qu’il délivre l’avis d’ouverture de la procédure (Article 18).

4. En cas de placement d’urgence d’un mineur, quelles sont les règles applicables au regard des circonstances exceptionnelles ?

Lorsqu’un placement de mineur est ordonné actuellement, que ce soit par le Juge des Enfants ou par le Procureur de la république sur le fondement de l’article 375-5 du Code civil, la convocation des parties doit intervenir dans un délai d’un mois suivant la décision du Juge – au lieu de 15 jours hors période de crise – (Article 16)

L’audience est organisée plus tardivement afin de permettre aux Juridictions de garantir son bon déroulement en optant soit une audience soit classique soit par visioconférence (Cf. ci-après).

Dans ce contexte et au vu de la longueur du délai (lequel sera vécu douloureusement par les parents), il est attendu des Juges une motivation particulièrement précise de leur décision, afin de permettre aux parents d’avoir connaissance des éléments de réponse suffisants, dans l’attente de l’audience.

Si ce délai d’un mois n’est pas respecté, il y a lieu de faire application de l’article 1184 alinéas 2 et 3 du Code de procédure civile qui prévoit la remise du mineur sur leur demande, à ses parents ou tuteur, ou à la personne ou au service à qui il était confié.

5) Le juge des enfants a-t-il la possibilité de suspendre ou de modifier un droit de visite ?

L’ordonnance du 25 mars 2020 prévoit en effet que lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, le Juge des Enfants peut suspendre ou modifier le droit de visite et d’hébergement, par ordonnance motivée et sans audition des parties, pour une durée ne pouvant excéder la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire mentionné à l’article 1er (Article 19)

Le service ou la personne à qui l’enfant est confié doit au demeurant maintenir les liens entre l’enfant et sa famille par tout moyen, y compris par un moyen de communication audiovisuelle.

6) Une audience par visioconférence est-elle envisageable ?

L’ordonnance prévoit la possibilité pour que le juge des enfants tienne des audiences en ayant recours à un moyen de communication audiovisuelle dès lors que l’identité des parties peut être vérifiée et que sont garanties la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats.

Le cas échéant, le Juge doit s’assurer du bon déroulement des échanges entre les parties ; le greffe dresse le procès-verbal des opérations effectuées (Article 20).

7) Les règles en matière de convocation et de notification sont-elles les mêmes qu’habituellement ?

Au cours de la période exceptionnelle visée à l’article 1er de l’ordonnance, les convocations et notifications peuvent être faites par courrier simple, par voie électronique ou encore être remises aux parents contre émargement par les services éducatifs.

Durant la même période, les décisions suspendant ou modifiant des droits de visite et d’hébergement dans le but d’assurer le respect de mesures de confinement peuvent être rendues sans contreseing du greffier et notifiées par voie électronique à la personne ou au service à qui l’enfant a été confié.

8) Quid des délibérés attendus durant cette période exceptionnelle ?

Hors période de crise, il est acquis que la décision du Juge des Enfants sur le fond doit intervenir dans les six mois de la décision ordonnant les mesures provisoires – avec possibilité d’une prorogation de six mois maximum après avis du procureur de la République – (Article 1185).

Si ce délai de six mois arrive à échéance durant cette période exceptionnelle, il est suspendu pendant une durée qui ne pourra pas excéder deux mois après la fin de la période (Article 17).
Là encore faute de respecter ce délai, l’enfant est remis à ses parents, tuteur, personne ou service à qui il a été confié, sur leur demande.

***

L’ordonnance du 25 mars 2020 a donc significativement élargi les prérogatives du Juge des Enfants, tout en allongeant certains délais et en simplifiant certaines règles de procédure.

Ces mécanismes dérogatoires doivent impérativement rester exceptionnels et limités dans le temps.

Nul doute que l’avocat amené à intervenir dans ce cadre devra faire preuve d’une vigilance accrue afin d’éviter que l’arbitraire prenne le pas sur l’intérêt de l’enfant.

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